mardi 12 juillet 2011

Anna Sam, star des caissières

« Tu vois, chéri, si tu ne travailles pas bien à l’école, tu deviendras caissière comme la dame. » Cette remarque, publiée sur un blog anonyme en 2007, au milieu de mille et une anecdotes tantôt révoltantes, tantôt amusantes sur le quotidien d’une caissière, est devenue mythique.
Son auteur ? Anna Sam, employée dans un supermarché de la banlieue rennaise pendant huit ans. Lassée d’être invisible aux yeux des clients, la jeune femme commence à prendre en note les petits riens qui ponctuent ses journées. Puis les publie sur un blog. Grâce au succès de ses chroniques humoristiques, Anna Sam a pu quitter sa caisse afin de se consacrer à sa passion : l’écriture.
Tout a commencé par un banal emploi d’étudiant qui s’éternise. Anna Sam, 20 ans, devient caissière dans un hypermarché Leclerc « pour financer ses études et découvrir le monde professionnel ». Son DEA de lettres en poche (bac + 5), Anna aspire à d’autres horizons professionnels. En vain. Ses candidatures dans les secteurs de l’édition et de la culture restent sans réponse. C’est alors qu’elle crée son blog pour raconter la vie, pas toujours rose, des caissières. « Je voulais changer le regard des gens sur ces métiers jugés basiques. Je m’étais dit que si j’arrivais à ouvrir les yeux d’au moins un client sur sa caissière, ce serait une victoire. J’ai gagné mon pari ! » se félicite cette jeune femme brune aux grands yeux verts cachés derrière des lunettes rouge vif.

Des autographes sur les tickets de caisse

Le 5 janvier 2008, Anna Sam démissionne, à bout. Pure coïncidence : elle est contactée le jour même par des journalistes. Ce sera le début d’une tornade médiatique. Pendant des semaines, Anna Sam sera la vedette des plateaux de télévision, des émissions de radio. Elle est happée dans la rue par des inconnus qui lui demandent de signer des autographes sur leur ticket de caisse. Dans la foulée, une douzaine de maisons d’édition la sollicitent afin de publier un livre à partir d’extraits de son blog. Les Tribulations d’une caissière (1) se vendent à près de 300.000 exemplaires en France, 100.000 à l’étranger. Une adaptation BD voit le jour, puis un film, dont la sortie est prévue dans six mois. Avec au générique Déborah François et Nicolas Giraud dans les rôles principaux, mais aussi Marc Lavoine, Elsa Zylberstein et… Anna Sam en figurante.

Une enquête pour Leclerc

La carrière d’Anna Sam décolle. « Aujourd’hui, j’ai plusieurs casquettes : je suis auteur, je viens de publier mon troisième livre (2) et j’écris mon premier roman », se réjouit-elle. La trentenaire fait aussi de l’audit sur la grande distribution. Elle vient de terminer une enquête de terrain pour Leclerc à propos des hôtesses de caisse. « Le but était de montrer ce qui allait mal et de proposer des solutions. J’ai rendu mes préconisations, aujourd’hui je dois m’assurer qu’elles soient appliquées. » Parmi les points sur lesquels « il y a des progrès à faire », Anna cite la tenue des caissières, « car, quoi qu’on en dise, c’est un emploi de présentation ». Elle précise : « Si on porte un uniforme mal coupé et qui s’abîme au bout de trois lavages, on ne peut pas être à l’aise dans son travail. » A partir de septembre, Anna sera également chroniqueuse pour France Bleu Armorique. Sa chronique sera « un peu geek » et portera sur les blogs, comme son dernier livre. « Je suis issue de la génération Internet, déclare-t-elle. Je dois beaucoup au Web : ma notoriété mais aussi mon mari, rencontré via un forum il y a dix ans. »

« Je continue à compter mes dépenses »

Anna Sam n’a pas changé de mode de vie, ni pris la grosse tête. A bientôt 32 ans, c’est une femme enjouée, passionnée et modeste. « Je fais ma lessive et mes courses comme tout le monde », s’amuse-t-elle. « J’ai le même mari, les mêmes amis, le même chien et le même vieux canapé qu’avant, énonce la jeune femme. Le seul changement, c’est que nous avons pu acheter une maison. » Anna et son mari ne sont pas dépensiers. « J’ai toujours compté, alors je continue. On ne change pas ses habitudes du jour au lendemain. Le seul caprice que je me suis accordé, c’est l’achat d’une tablette numérique mais, comme je ne l’utilise jamais, je vais la revendre, explique-t-elle. J’achète aussi plus de bouquins. Avant, j’attendais la fin du mois, et j’étais heureuse lorsque je pouvais m’en offrir un ou deux. »

« Les caisses automatiques, je ne suis pas contre »

Près de quatre ans après avoir quitté les caisses des hypermarchés, Anna a toujours des positions bien tranchées sur son ancienne profession. « Le travail le dimanche, je suis contre, dit-elle sans détour. Les magasins sont ouverts 12 heures par jour, 6 jours sur 7, je ne peux pas croire qu’on ne puisse pas faire ses courses à ces moments-là. » Elle ajoute : « Je serai pour quand on arrêtera de nous mentir en nous faisant croire que les salariés sont payés double et qu’ils font cela sur la base du volontariat. Je connais des caissières qui n’ont ni le choix ni les avantages financiers. »
Sa position sur les caisses automatiques n’est pas celle que l’on pourrait croire. « J’étais 100 % contre. Mais, depuis, j’ai vu des caissières qui y trouvaient un intérêt, appréciant de pouvoir tout gérer et d’aider les clients. Pour l’instant, cette technologie n’a pas entraîné de licenciements. On verra où on en sera dans dix ans, peut-être qu’à ce moment-là, je me dirai que je me suis complètement plantée. »

http://www.francesoir.fr/loisirs/culture/anna-sam-star-des-caissieres-116282.html

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